Pour parler de notre école

Une introduction au projet pédagogique

L’école Associative des Boutons d’Or de Bigorre est une initiative citoyenne. Elle a pour vocation de s’impliquer localement pour répondre aux besoins des enfants qui lui sont confiés, de façon à ce qu’ils puissent apprendre de la vie, de la nature, avec et par les autres, dans le cadre d’une pédagogie de projets individuels et collectifs.
Accueillir l’enfant dans sa globalité, veiller à sa formation de futur citoyen, l’éveiller à la coopération, cultiver l’ouverture sur le monde et les valeurs républicaines, respecter les rythmes de développement et d’apprentissage en valorisant les intelligences multiples et les potentiels de chacun, apprendre autant par les mains, par l’art que par la réflexion, apprendre de la nature et constituer des équipes de professeurs attentifs à la singularité de chaque élève et désireux de coopérer entre-eux et avec les parents, tels sont les principaux objectifs pédagogiques de cette école.

Elle trouve son ancrage dans la pédagogie imaginée et mise en œuvre par Rudolf Steiner, fondateur de l’école Waldorf, du nom de l’entreprise qui, en 1919, mit à disposition les moyens matériels pour la création d’une première école. Pas un modèle d’école, mais une forme passagère conçue pour évoluer avec le temps, impulsion première pour de nouvelles créations qui sont aujourd’hui plus de mille dans quatre-vingt pays, sur tous les continents.

Cette pédagogie attentive aux étapes de développement des enfants, est observatrice et réflexive. Elle propose un plan scolaire souvent considéré comme un programme Steiner- Waldorf ou comme une méthode d’enseignement, probablement parce qu’il est structuré, fondé et fécond.

En réalité, il n’est ni programme ni méthode, mais une base dont l’esprit est de donner lieu à de multiples méthodes possibles et de réinventer les programmes en fonction de l’évolution de la société , des cultures locales et des situations qu’elle induit dans le développement des enfants et dans leur relation à l’environnement. Cette pédagogie comme nous l’entendons invite à vivre avec son temps, à lire dans la vie réelle, à imaginer toujours de nouvelles formes.

Chaque enfant est concrètement sollicité et stimulé pour développer sa pensée, sa sensibilité et sa capacité à agir. Ces trois dimensions constitutives de la personne humaine sont universellement partagées mais toujours singulières dans leur expression. Comment créer le climat favorable pour stimuler ces facultés, pour qu’opère cette alchimie de leurs interactions, pour relier l’activité de l’esprit à la vie concrète et matérielle ? Et ce faisant, permettre que chaque enfant réalise cela à sa façon ?

Apprendre pour toujours apprendre, s’approprier plutôt que survoler un programme académique, découvrir par l’expérience : l’apprentissage doit être entre les mains de chaque enfant, appelé à devenir responsable de sa vie. Il la construit. L’école veille, encourage, donne matière aux défis de chacun.

Nous pensons que l’école contemporaine doit dépasser la vieille querelle entre l’égalitarisme républicain, garant des compétences et des savoirs académiques pour tous, et le pédagogisme, réputé défendre l’équilibre, l’épanouissement et le bien-être de chacun. Personne ne peut contester que l’un et l’autre visent à des compétences fondamentales pour la vie et la justice sociale. Mais leur idéal lorsqu’il est exclusif, entraîne des confusions. Il nous paraît indispensable de ne pas choisir son camp, mais de réaliser l’un et l’autre, l’un avec l’autre.

Car une idéologie, quelle qu’elle soit, échoue toujours à l’épreuve du réel.

Uniformiser les chances de réussite via la course aux savoirs sanctionnée par le seul examen induit la sélection, à l’opposé du rêve égalitaire. L’égalitarisme est né du déni des différences, de la peur de celles-ci alors qu’elles sont une richesse à cultiver ; elles sont le terreau des singularités, la promesse d’une société inventive si nous faisons le choix de les reconnaître et de les prendre en compte. Mais ce n’est pas facile. Cela demande à la fois rigueur et imagination.

L’épanouissement et le bien-être des élèves ne peuvent davantage être un but en soi ; ils sont nécessaires, car ils favorisent les apprentissages, mais ils ne suffisent pas à construire l’aptitude à la résilience, la capacité à transformer les résistances de la vie en occasions d’apprendre, de créer, d’agir avec confiance.

Ces compétences doivent être exercées tous les jours, et peuvent l’être dès lors que la vie réelle entre dans l’école. Dans la vie réelle, on n’apprend pas pour plus tard ! Apprendre et agir sont intimement liés. Les disciplines de l’apprentissage ne sont en elles-mêmes pas abstraites car elles permettent de se situer mieux dans l’existence, dès lors qu’elles sont transmises par des professeurs, des artistes, des personnes de terrain qui en sont imprégnées. Des professeurs qui, par leur art, leur savoir-faire, permettent à chaque enfant d’apprendre par l’expérience, de créer un lien profond aux savoirs qu’il découvre. Des savoirs ouverts, inachevés comme est la science elle-même, on l’oublie trop souvent. Des savoirs qui puissent grandir avec lui. Car la conscience des enfants est en constante transformation. Les savoirs trop achevés sont comme des pierres trop lourdes à porter. Ils doivent pouvoir être découverts puis redécouverts toujours de façon nouvelle et évolutive, comme est la démarche scientifique elle-même.

Autre facteur déterminant de cette pédagogie : apprendre entre les savoirs, penser entre les langues, prendre en compte les nuits entre les jours, les échanges entre les élèves, entre les professeurs, entre tous. Exercer l’art de la rencontre. Cette question est contemporaine : c’est celle du champ de tension entre mondialisation et mondialité au sens d’Édouard Glissant : remplacer l’esprit de mondialisation qui est celui de la domination, du “règne sur”, par l’esprit de mondialité qui est celui de la coopération, du “règne entre”. Renoncer à la construction pyramidale fondée sur la compétition et l’exclusion, pour s’intéresser aux réseaux, à la transversalité, au partage intelligent.

Notre école a vocation d’ouvrir un champ d’expériences transverses et multiples : bilinguisme, voire cosmopolitisme dès la petite enfance, classes à géométrie variable, culture de l’évaluation formative plutôt que normative, projets liés à la vie locale, espaces de travail individuels. Chacun, aidé par les enseignants, apprend à un rythme qui lui est propre, par lui-même et grâce aux autres. La rencontre humaine et la coopération sont sur ce chemin un support pour la confiance en soi et stimulent le sens indispensable de l’apprentissage responsable, celui de l’appropriation réelle et du désir d’agir, de contribuer à l’œuvre de tous.
L’école des Boutons d’Or de Bigorre voudrait devenir un lieu de vie de plus en plus ouvert sur son environnement, libre contribution à la vie pédagogique locale. Ancrée dans la pédagogie Steiner-Waldorf, elle souhaite rester un lieu de recherche et de création résolument en interaction et en dialogue avec les institutions de son ministère de tutelle, ce qui ne peut qu’enrichir sa contribution propre.
La France est un pays de liberté et la liberté ne se conçoit que dans le respect et le désir de l’altérité.